Saint-André

Sainte-Marie demeure un mystère à Saint-André. Face à l’église, celle-ci occupe pourtant une place de choix. Mais elle déplaît terriblement à Solange : « La vierge était jolie en blanc et bleu. Regardez celle-là, elle est chocolat ! » N’en déplaise à madame Armayor, la mystérieuse Sainte-Marie qui nous intrigue ici, s’apparente plutôt à « une commune oubliée », comme le souligne-t-on en mairie                                                                                     .

Officiellement – dans les archives départementales – Saint-André est le fruit d’un regroupement avec Lamothe-des-Champs. Mais cette fusion de 1822 avait fait l’objet, l’année précédente, d’échanges épistolaires entre un baron et un préfet, et d’une délibération du conseil municipal, tenant à y insérer Sainte-Marie. « C’est là qu’intervient le mystère : qu’est devenue Sainte-Marie ? », s’interroge Annie Defaux, présidente du Foyer rural. « Nous savons simplement qu’elle a été rattachée à Aurimont, en 1829. L’enquête se poursuit », précise cette ex-parisienne curieuse de nature.

Absence de forme

En arrivant par la route de Samatan, le visiteur peut admirer sur sa gauche les restes d’un château du XVIIIème qu’un sujet de sa majesté Elisabeth II retape depuis 2006. A droite, sur un mamelon culminant à 211 m de la rive droite de la Marcaoue, se trouve le lieu-dit La Vieille-Église : l’ancien emplacement de Saint-André.
Le bourg actuel, traversé par la départementale 217, se caractérise par son absence de forme. « Le village s’est construit autour de rien. Tout est venu par la suite : l’église, le cimetière, l’école et les commerces », confirme le maire, Gérard Delieux.

En près de deux siècles, la physionomie du centre a très peu évolué. Il ne reste plus de commerce et l’ancienne mairie-école (fermée en 1977) est devenue la maison de Solange, une de ses anciennes élèves d’ailleurs.
Restent les souvenirs… Comme celui d’Élie Lasserre, dernier épicier en date. « Un drôle d’oiseau, en rigole Solange. Tout était mélangé dans sa boutique. Il nous amenait avec sa voiture dans les fêtes et était souvent saoul… »

« Village agréable »

« Saint-André est un village qui vit », assure André Barayre, le 3ème adjoint. À défaut de patrimoine – si ce n’est le château et les vitraux de l’église, refaits à l’identique « à partir d’un document récupéré sur un vide-greniers de Gimont » – les habitants ne s’accrochent pas aux vieilles pierres. On est résolument tourné vers des activités du présent : club de tennis et de pétanque, société de chasse et un Foyer rural. La section Nature dudit Foyer a même comblé un vide : elle a créé un hôtel pour les insectes.

Autant de raisons qui font de Saint-André « un village agréable que j’aime beaucoup », dixit Ida (lire sur le site). Serait-ce la raison de l’implantation d’environs 25 nouveaux habitants, depuis 2009 ? Là-aussi le mystère demeure… Mais comme le dit de façon amusée André Barayre : « On pourrait même rouvrir l’école avec l’arrivée de tous ces enfants… »

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Repère

105 habitants
558 ha.
Mairie de Saint-André
32200
05 62 62 34 44
www.saintandregers.fr
[email protected]
Maire : Gérard Délieux

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Abécédaire de Saint-André

Agriculture. Canards, volailles, bovins, gaveurs, céréale, une coopérative d’utilisation de matériels agricoles, etc. L’agriculture occupe la place majeure dans l’activité économique de la commune.

Bazar. À écouter les souvenirs des Saint-Andréens concernant l’épicier, son commerce (dans l’ancien presbytère) s’apparentait à un vrai bazar : « tout était mélangé, mais il y avait des choses que l’on ne trouvait pas ailleurs », se rappellent Ida et Solange.

Cour. Très longtemps la cour de l’école se situait au croisement de deux routes, face à l’église. Un orme trônait en plein milieu. Mais l’apparition croissante de l’automobile a obligé un transfert de la cour derrière l’école. Depuis, l’ancienne cour a été remplacée par un court… de tennis !

Danse. Le thé dansant est toujours d’actualité au printemps. D’ailleurs, on a toujours dansé à Saint-André : les jeunes allaient au bal dans les communes voisines puis, après le départ de l’épicier, son presbytère s’est transformé en dancing. Aujourd’hui, le lieu abrite la salle des fêtes.

Église. Construite en 1870 selon le style gothique, elle abrite une chapelle dédiée à Saint-Roch.

Fête. Célébrée le 30 novembre, la Saint-André a droit à sa fête le premier dimanche de décembre. Au programme : messe, souvenirs aux morts, apéritif, repas, danse et soirée garbure. Le tout accompagné d’un orchestre.

Guerre. Au cours du premier conflit mondial, la commune a perdu cinq de ses fils.

Histoire. Curieuse dans l’âme, la présidente du Foyer rural, Annie Defaux poursuit ses recherches historiques sur le village. Elle a déjà déniché l’existence de la commune de Sainte-Marie qui, d’après les documents, figurait « normalement » au côté de Lamothe-des-Champs et de Saint-André dans l’acte de création du bourg actuel.

Insectes. Derrière l’église, un joli hôtel avec chambres diverses en brique, papier, bois et tuile leur est entièrement dédié !

Jeu. Carte à l’époque du bistrot, quizz aujourd’hui, le jeu occupe toujours une place de choix dans la vie du village. En témoigne, les nombreux concours de pétanque et l’existence d’une école de pétanque pour les enfants !

Kingdom. Les « nouveaux châtelains » sont des sujets britanniques. Depuis 2006, Steven et Rosie restaurent le château.

Lamothe-des-Champs. Du nom d’une des deux (trois ?) communes qui a fondé Saint-André.

Marcaoué (le). Ce cours d’eau, long de 36 kms, traverse la commune.

Nature. On y organise une fête en son honneur avec balade découverte, un concours photos, et une conférence sur la biodiversité.

Occitan. Sent Adreu en langue d’Oc.

Patois. Ida, Fernande et Solange l’affirment : « on parle encore patois dans le village ».

Quartier. On peut parler d’un nouveau quartier derrière l’actuelle mairie. Cet ensemble pavillonnaire comprend grosso modo 80 habitants qui « travaillent pour la plupart sur Toulouse ou les environs ».

Révolution. Les affres de la révolution française se sont fait sentir là-aussi : destruction de l’église (située à Saint-André, aujourd’hui lieu-dit « La vieille église ») et partielle du château.

Saint-Roch. Le protecteur des animaux a sa chapelle, récemment rénovée, dans l’église. Longtemps sa chapelle s’est trouvée sur la motte gauloise où, au XIXème, s’éleva le presbytère. Aujourd’hui, ce lieu-dit porte le nom de la Motte-Saint-Roch et on y trouve la salle des fêtes.

Trois. Trois ans de restauration pour les trois vitraux de l’église représentant Saint-André, Saint-Roch et le Bon Pasteur.

Urbaine. 100% urbaine et ne « connaissant absolument pas la campagne »,  Annie Defaux a eu un « coup de cœur » pour sa maison. Aujourd’hui, elle préside le Foyer rural.

Vierge. Repeinte ni en blanc ni en bleue « par une Parisienne », au grand dam de Solange.

Wapiti. A défaut de débusquer ce grand cerf d’Amérique du Nord et de Sibérie, la société de chasse traque le chevreuil.

Yeuse. Même sans forêt, on peut apercevoir le long des chemins des chênes verts.

Xylocope. En trouve-t-on dans l’hôtel à insectes ?

Zozo. Un original, un drôle d’énergumène, etc. Bref, un drôle de zozo que cet épicier.

Ida, Fernande et Solange : trois mémoires vivantes

Appuyées sur leurs cannes respectives, elles attendent les questions. Nous débutons l’entretien par l’épicerie, située autrefois dans l’ancien presbytère (aujourd’hui la salle des fêtes). D’emblée, Fernande évoque une croustillante anecdote au sujet du commerçant : « On lui avait volé beaucoup de choses en ouvrant son magasin avec une clef de boîte à sardines. » « Ah ! Tu en sais plus que moi », s’étonne Ida, tandis que Solange ne s’en « rappelle pas ». Et c’est parti pour le grand déballage de la boîte à souvenirs.

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Ida Biamouret (77 ans), Fernande Delieux (83 ans) et Solange Armayor (84 ans), trois Saint-Andréennes, véritables mémoires vivantes du village, se prêtent volontiers à l’entretien. Elles prennent même plaisir à converser, sous l’œil amusé d’André Barayre, adjoint au maire, mais aussi fils de la dernière nommée.

Le bal

Outre l’épicier « très original », elles évoquent leur enfance et jeunesse. « On travaillait dans les champs avec nos parents et, le dimanche, on allait à la messe et on se voyait entres jeunes. Et c’est tout… » Une vie réglée comme du papier à musique en somme ?
« Mais quelque fois on acceptait de nous conduire au bal. De nous conduire, attention ! Nous n’y allions pas de notre propre initiative », souligne Ida. Fernande se remémore les bals « au presbytère » où le frère de Solange jouait de l’accordéon. Et c’est sur la piste que Fernande et Ida ont rencontré leurs maris…

« Chouchoute »

En leur compagnie, difficile de s’ennuyer. Elles finissent pas vous oublier pour se raconter leur vie. Notamment les souvenirs d’école. « Il n’y avait pas de sanitaires, mais un petit trou pour les toilettes. Un jour, Ida – « la chouchoute de l’institutrice » – a été poussée dedans ! On en a souvent parlé de ça », rigole Solange. La guerre aussi offre son lot de souvenirs. Fernande « pétait de peur » à la vue des « Allemands », tandis qu’Ida conte les amourettes entre un maquisard et l’institutrice.

Vierge « chocolat »

Mais ce qui les fait vraiment jaser, c’est la statue de la vierge : son déplacement et sa couleur… Solange est aux anges d’apercevoir Marie de sa fenêtre, mais peste contre sa couleur « chocolat ». Et de demander au cantonnier de la repeindre ! Hélas, ce dernier refuse de la redescendre de peur de la casser.
Leur village, elles le trouvent « très bien, propre, agréable ». Même l’absence de commerce ne les attriste pas. Et les nouveaux arrivants des lotissements ? « C’est dommage qu’ils ne connaissent pas la convivialité », déplore Ida, sans pour autant leur jeter la pierre : « Il faudrait que quelque chose qui fasse que… » Les fêtes ne manquent cependant pas.
Alors, comment occupent-elles leur retraite ? « Tout d’abord, je ne me lève pas de bonne heure, soupire Ida. Je lis et puis… Je bavarde beaucoup avec les uns et les autres. » Mais « avec qui » lui rétorquent ses deux copines ? « Quand je vais porter les poubelles, avec Noëlle, on refait le monde, et en patois ! » Sourires des deux complices.