Garravet

Lors de notre pérégrination dans ce bourg de 909 hectares, peuplé de 160 âmes, une impression de calme se dégageait. Sentiment renforcé au pied de l’église Saint-Jacques, culminant à environ 380 m d’altitude. Un horizon dégagé sur des coteaux, où en contrebas paissent des vaches, donne au lieu des allures de cartes postales.

« Ce n’est pas vraiment un village, explique Danièl Magnoac, maire de 1983 à 2001. L’habitat est dispersé. Il n’y a ni cœur ni place. C’est un village rue. » Mais une commune avec une statue toute particulière, des restes architecturaux et des habitants heureux d’y vivre.

À proximité de l’édifice religieux se trouve une grande ferme « probablement bâtie avec les restes du château » Un porche du plus bel effet et des traces du chemin de ronde rappellent aux visiteurs que « Garravet était une des plus anciennes baronnies du Comminges. » Et dans l’enceinte même de l’église se niche la fameuse statue de Saint-Jacques en « plâtre dorée » d’un 1,70 m et pesant au bas mot 100 kg.

De religion, il en est aussi question lors de la Saint-Jean. Dans la chapelle éponyme, on y converge tout autant par religiosité que par tradition en empruntant un chemin de terre au milieu des champs agricoles, pour assister à l’office. « Si l’on ne dit pas la messe le jour de la Saint-Jean-Baptiste, il grêlera au moment des moissons », prédit-on.

« On y vient de Garravet, mais aussi d’Espaon et de Montadet. À l’issue de la célébration, le Comité des fêtes sert un vin d’honneur. Un moment convivial. C’est presque un folklore », précise la première adjointe, Irène Dutech.

Chantier

Ce rite représente l’un des trois temps forts du village avec le repas de la chasse et la fête communale se déroulant le 1er week-end d’octobre. « Nous n’avons pas trop de jeunes », concède le maire Daniel Worzniack, pour justifier l’absence de vie associative.

« Mais on n’a pas le temps de s’ennuyer ! » Et de nous embarquer sur le chantier de rénovation de l’ancienne école publique, fermée à la fin des années 1980. « Pas d’école, c’est un peu la mort de la commune quelque part. » Mais il se reprend vite : « Ici, nous aménageons un appartement pour une famille et un local municipal. Dans le passé, nous avons fait de même dans le presbytère. »

Ces travaux ne perturbent en rien la paisibilité des bovins. Notamment Escadrille, la vedette locale : une magnifique blonde d’Aquitaine, propriété de Christophe Darrieux, l’un des éleveurs installés en GAEC. Un enfant du pays qui apprécie « la tranquillité » qui règne sur cette terre garravetoise.

Mais alors, où se trouve le brin de folie à Garravet ? Pas plus chez le garagiste Pascal Sajas qui continue son petit bonhomme de chemin depuis 27 ans que lors de la visite de l’abbé Pierre, en 1985. Et comme aucun commerce sédentaire n’a existé…

Reste les anciens et leurs souvenirs. À l’image de René Aragnon, éleveur à la retraite, et ancien conducteur de char de combat en Allemagne durant son service militaire (lire son portrait sur le site). « Vous dîtes que c’est triste. Mais les gens sont sympathiques », conclut avec justesse Danièl Magnoac.

Reportage sonore

René Aragnon

René Aragnon, éleveur et ex-conducteur de char

« J’ai fait mon service militaire à Berlin. J’étais pilote de char et je faisais des manœuvres interalliés avec des Américains, des Anglais et des Russes. » Dans cette Allemagne d’après-guerre, le jeune René Aragnon se voit même confier une mission plus spéciale : « Je montais les gardes à la prison de Spandau. » Là où furent internés les dignitaires nazis après le procès de Nuremberg.

De cet époque, il se contente de dire l’armée lui a permis « de sortir et d’apprendre pas mal de choses. » Comme passer ses permis poids lourds et de chars. « En 1956, mon père a acheté un tracteur à chenille. Je n’étais pas trop dépaysé. L’arrivée de cet engin m’a motivé pour rester dans l’agriculture », sourit-il.

Fidélité

Au départ, une fois « le certif’ » en poche, René se destinait à la menuiserie. Il n’aura pas même le temps de finir son apprentissage, à Samatan : « Mon père avait besoin de moi à la ferme. » Triste ? « Oui et non… L’élevage me plaisait aussi. » On n’arrête pas ainsi une lignée d’éleveurs. Aujourd’hui, c’est son fils Max qui veille sur le cheptel et sur les 115 ha de polyculture.

Pendant ce temps, à 80 ans bien sonné, René continue d’« aider » Max et « soigne les vaches ». Et voit ses « amis de temps en temps ». Notamment son « copain de régiment de l’Aveyron »